Et si l’Apocalypse n’était que la fin de nos projections ?
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L’intuition
Ce matin, en envoyant de l’amour en pensée à tous ceux que j’ai jugés trop vite, une idée m’est revenue. Une idée que j’avais déjà eue, il y a un moment. Mais aujourd’hui, elle s’est éclairée différemment — comme un souvenir qu’on revisite et qui prend enfin tout son sens.
Et si le « Jugement Dernier » n’était pas un tribunal divin où l’on serait condamné pour nos fautes ?
Et si c’était, tout simplement, le dernier des jugements hâtifs ? Le moment où l’humanité cesse enfin de juger injustement — où chacun voit l’autre tel qu’il est vraiment, sans peur, sans étiquette, et sans y projeter ce qu’il refuse de voir en lui-même ?
Non pas la fin du monde. La fin d’un monde — celui où l’on condamne avant de comprendre.
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Ce que nous projetons
Nous jugeons hâtivement pour trois raisons, je crois. Trois sources de projection qui déforment notre regard sur les autres — et sur l’Invisible.
La peur
Quand on a peur, on voit des menaces partout.
« Il y a eu des jours, des mois, où j’ai vu des menaces partout dans l’Invisible. Où chaque présence semblait hostile, chaque signe paraissait sinistre. […] C’était un effort quotidien de ne pas déraper. »
La peur transforme le neutre en hostile, l’inconnu en ennemi. Elle nous fait porter une armure de plomb, même pour dormir. Et cette armure, à force, devient notre prison.
Les étiquettes
Quand on étiquette, on enferme l’autre dans une case — et on cesse de le voir.
« Des détails maladroits qui donnaient une fausse impression macabre : de la gelée prise pour du sang, des circonstances malheureuses interprétées comme des preuves de méchanceté. Les policiers du rêve tiraient des conclusions hâtives et terribles, là où il n’y avait que de l’innocence mal comprise. »
J’ai fait ça, moi aussi. Avec les MAGA, par exemple :
« Pendant des années, j’ai jugé les supporters de Trump à travers le prisme des médias et des réseaux sociaux. Pour moi, ils étaient des « imbéciles » suivant un démagogue. Puis j’ai réalisé que cette image simpliste ne reflétait pas la réalité des gens derrière ce mouvement. »
Une étiquette, c’est confortable. Ça évite de penser. Ça évite de douter. Mais ça tue la rencontre.
Le refus de soi
Et puis il y a la projection la plus insidieuse : celle de notre propre ombre. Ce qu’on refuse de voir en soi, on le condamne chez l’autre.
« La peur et de mauvaises interprétations m’ont amené à imaginer des scénarios terribles et paranoïaques, à avoir peur de tout et de tout le monde, en cela y compris mes proches les plus aimants, les plus sincères. »
Ma propre violence intérieure, je la voyais partout à l’extérieur. Ma propre peur du rejet, je la transformais en certitude d’être menacé. Mon propre chaos, je l’attribuais au monde entier.
« On fait souvent l’erreur de penser que l’Invisible reflète nos pires aspects. Que si l’humanité connaît la guerre, le Ciel doit être en guerre aussi. Que si nous jugeons impitoyablement, les Esprits doivent juger de même. Mais pourquoi ne projetons-nous pas nos meilleurs aspects ? »
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Mes propres jugements hâtifs
Je ne parle pas depuis une position de sage. Je parle depuis celle de quelqu’un qui a beaucoup jugé — et qui le regrette.
J’ai jugé l’Invisible. J’y ai vu un champ de bataille, des forces hostiles, des complots cosmiques. C’était ma paranoïa, pas la réalité.
J’ai jugé des groupes entiers de personnes sur la base de ce qu’on m’en disait — sans chercher à comprendre ce qui les animait vraiment.
J’ai jugé mes proches, parfois, dans mes moments les plus sombres — ceux-là mêmes qui m’aimaient le plus.
« L’erreur que j’ai faite — et que je veux corriger aujourd’hui — c’était de projeter mes propres ténèbres sur un monde qui en contient déjà bien moins que le nôtre. »
« Je voulais présenter comme ceci mes excuses pour avoir induit en erreur avec ma parano et mes scénarios dystopiques empreints de cinéma et d’inspirations fantasques. »
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Reprendre ce qu’on a projeté
Le vrai travail, ce n’est pas de mieux juger. C’est de cesser de juger.
Et pour cela, il faut reprendre ce qu’on a projeté. Regarder en soi ce qu’on condamnait chez l’autre. Récupérer son ombre — non pas pour s’y complaire, mais pour cesser de la voir partout ailleurs.
« Leur souhait n’était pas une prophétie. C’était un rêve à eux, pas une vérité sur toi. Tu n’es pas une version ratée d’un idéal imaginaire. Tu es la seule version qui existe — et elle est entière. »
Quand on cesse de projeter sur les autres ce qu’on refuse en soi, quelque chose de miraculeux se produit : on commence à les voir. Vraiment. Pas l’image qu’on s’en faisait — eux.
« Comprendre ne signifie pas approuver. Mais c’est le premier pas vers une discussion constructive. »
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Le Dernier Jugement
Alors voilà ce que je crois maintenant.
Le Jugement Dernier n’est pas le jour où Dieu nous juge. C’est le jour où nous cessons enfin de nous juger les uns les autres.
Sans peur — parce qu’on aura appris que l’inconnu n’est pas forcément hostile.
Sans étiquette — parce qu’on aura compris que chaque être est plus vaste que la case où on voulait l’enfermer.
Sans projection — parce qu’on aura récupéré notre ombre et cessé de la voir chez l’autre.
La fin du mirage différentiel — cet écart entre notre perception des autres et ce qu’ils sont vraiment. Ce pack d’illusions qu’on entretient ou qu’on laisse gâcher notre compréhension d’autrui. Ce jour-là, le voile tombe.
Avec le pardon — cette valeur fondatrice du Christianisme, et je crois, de toutes les grandes traditions qui vont dans le sens de la Lumière. Le pardon pour les autres. Le pardon pour soi.
Et qu’est-ce que la Lumière, au fond ? Je la comprends comme l’acceptation de la responsabilité de chacun. Être dans la vérité. Reconnaître ses mérites propres — pas ceux qu’on s’invente en rabaissant les autres, mais ceux qui viennent de ce qu’on a réellement cultivé en soi.
Ce n’est pas un tribunal. C’est une libération.
« Il n’y a pas d’opposition frontale entre « ceux du Bien » et « LE Mal ». Il y a des êtres qui ont déjà obtenu justice et qui voudraient que tout le monde l’obtienne aussi. »
« Elles ne se battent pas entre elles pour savoir qui a raison. Elles aspirent ensemble à ce que chacun trouve sa juste place, sa reconnaissance, sa paix. C’est ça, l’Invisible que j’ai mal compris pendant si longtemps. Ce n’est pas un champ de bataille. C’est un champ de réconciliation. »
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Envoyer de l’amour
Ce matin, j’ai envoyé de l’amour en pensée à tous ceux que j’ai jugés trop vite.
Les MAGA que j’ai diabolisés sans les connaître. Les présences invisibles que j’ai prises pour des ennemis. Les proches que j’ai soupçonnés dans mes heures sombres. Et moi-même — celui qui jugeait, celui qui avait peur, celui qui projetait.
C’est peut-être ça, participer au Dernier Jugement : choisir, un matin, de poser les armes. De regarder l’autre sans le filtre de nos peurs. De se réconcilier — avec les autres, et avec soi.
« Aimez-vous les uns les autres. »
C’était quand même clair, non ?
« Derrière chaque stéréotype, il y a des histoires humaines. »
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Le Jugement Dernier n’est pas une menace. C’est une promesse : celle du jour où nous cesserons enfin de nous faire du mal les uns aux autres — parce que nous aurons cessé de nous en faire à nous-mêmes.
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Par Pierre-Philippe Charlier — Décembre 2025
