Introduction
Quand on vit avec des hallucinations, on cherche souvent à les faire taire, à les ignorer, à les combattre. Mais si on pouvait apprendre à les comprendre ? Et si votre corps parlait déjà leur langue ?
Votre corps réagit aux hallucinations – il se contracte, se détend, chauffe, frissonne. Ces sensations ne sont pas du bruit : c’est un langage. Voici comment commencer à le déchiffrer.
Le premier mot : Oui/Non
Pourquoi commencer par là ? Avant de construire un vocabulaire complexe, vous avez besoin d’un système de validation binaire. Deux sensations distinctes qui signifient « c’est exact » et « c’est erroné » selon votre interlocuteur intérieur.
C’est votre alphabet morse personnel.
Mon exemple :
- Oui : Je sens comme un toucher doux d’un ange au centre de la zone au-dessus de ma lèvre supérieure
- Non : Je sens une présence/pression en bas, entre ma lèvre inférieure et mon menton
Ces zones sont devenues mon système de validation. Quand je pose une question ou formule une pensée, mon corps répond dans ces zones précises.
Exercice de calibration (Semaine 1)
Jour 1-3 : Établir le « Oui »
- Pense à 5 affirmations vraies sur toi (ton prénom complet, ta date de naissance, où tu habites, ton plat préféré, un souvenir précis)
- Énonce chaque affirmation mentalement ou à voix basse
- Scanne ton visage et ton corps : où sens-tu quelque chose ?
- Note précisément : zone + qualité de la sensation (chaleur, picotement, pression douce, expansion, etc.)
- Cherche la répétition – quelle zone revient systématiquement ?
Jour 4-6 : Établir le « Non »
- Pense à 5 affirmations fausses (un faux prénom, une fausse adresse, « je déteste [ton plat préféré] », etc.)
- Même processus d’observation
- Note les différences avec les sensations du « Oui »
Jour 7 : Test croisé Alterne affirmations vraies et fausses de manière aléatoire. Tes deux zones se confirment-elles ?
Construire votre cartographie personnelle
Ce que tu cherches :
- Deux zones corporelles distinctes (pas forcément sur le visage comme moi – ça peut être poitrine/ventre, main gauche/main droite, etc.)
- Deux qualités de sensation différenciables
- Une répétition fiable sur plusieurs jours
Journal minimal :
Date : [jour]
Affirmation : [vraie ou fausse]
Sensation : [où + comment]
Après une semaine, tu devrais voir des patterns émerger.
Utiliser ce premier vocabulaire
Une fois que tu as identifié tes deux « mots » de base :
Tu peux interroger tes hallucinations :
- « Ce que je pense de cette situation est-il exact ? » → attends la réponse somatique
- « Cette voix veut-elle me prévenir d’un danger ? » → sens Oui ou Non
- « Cette image représente-t-elle [X] ? » → calibre avec ton corps
Tu passes du chaos au dialogue.
Ce qui aide
- La régularité : 5 minutes par jour valent mieux que 2 heures une fois par semaine
- Accepter la confusion initiale : Tes sensations peuvent être faibles ou confuses au début – c’est normal
- Ne pas intellectualiser : Tu ne cherches pas à « comprendre pourquoi », juste à observer « ce qui est »
- Tenir un journal : La mémoire nous trompe, les notes révèlent les patterns
Ce qui complique
- Vouloir des résultats immédiats : Une semaine ne suffit pas toujours, sois patient
- Juger tes sensations : Il n’y a pas de « bonne » zone ou de « mauvaise » sensation – c’est TON système
- Chercher à copier : Ma cartographie n’est pas la tienne – trouve ce qui fonctionne pour toi
- Abandonner trop vite : Les 3 premiers jours sont souvent les plus flous
La promesse réaliste
Après un mois de pratique régulière, tu auras :
- Deux signaux corporels fiables (Oui/Non)
- Un début de dialogue avec tes hallucinations
- Une base pour construire un vocabulaire plus riche
Ce n’est pas un miracle. C’est un outil. Mais c’est un outil qui transforme le monologue chaotique en conversation navigable.
Prochaine étape : Une fois ton Oui/Non établi, tu pourras commencer à affiner – identifier des nuances, des intensités, des sensations secondaires. Mais ça, c’est pour le prochain article.
Note importante : Cette approche somatique est complémentaire à tout suivi médical ou psychologique que vous pourriez avoir. C’est un outil de navigation personnelle, pas un remplacement de soins professionnels.
